Aude Mesas, vous êtes en charge du Pôle Action Educative au sein du conservatoire, et si votre visage n’est pas inconnu pour bon nombre de professeur(e)s des écoles du Havre, nos usagers vous connaissent un peu moins, puisque l’essentiel de votre travail se fait en face à face avec les écoliers havrais. Pouvez-vous vous présenter et nous en dire un peu plus sur vos missions au sein de l’établissement ? 

Je suis coordinatrice de l'Action Educative au sein du Conservatoire Arthur Honegger. C'est une mission assez spécifique puisque je dois travailler avec tous les établissements qui sont en lien avec l'Education Nationale : écoles maternelles et primaires, collège etc. L'objectif est de créer des partenariats - parfois sur du long terme, parfois simplement pour permettre aux élèves de venir une à cinq fois au conservatoire sur des projets - en faisant en sorte de diffuser la culture partout sur le territoire.

Le Havre est une ville portuaire, multi-ethnique, qui bénéficie d'une richesse culturelle assez intéressante et où, étrangement, les liens, les échanges ne se créent pas toujours spontanément : les enfants n'ont pas forcément accès à la culture de ceux qui les entourent, ou n'ont pas toujours connaissance de ce qui se déroule à côté de chez eux. L'image austère du conservatoire est par ailleurs assez difficile à déconstruire : on a parfois l'impression que c'est une institution qui n'est pas accessible à tout le monde, et qui serait plutôt réservée à une certaine élite.

Ainsi, la mission du Pôle Action Educative, c'est d'abord de faire connaitre le conservatoire, d'abolir cette image élitiste et puis bien entendu de permettre aux enfants de rentrer dans nos murs ou bien de faire en sorte que les actions du conservatoire rayonnent jusque dans les écoles. On diffuse donc le plus largement possible la culture dans les écoles havraises ! 
 

En cette fin d’année scolaire, vous vous apprêtez à donner plus d’une trentaine de spectacles pédagogiques. C’est un dispositif assez inédit puisqu’après deux années de restrictions liées à la pandémie, nous allons pouvoir accueillir et réunir de nombreux élèves. Combien d’enfants allez vous voir défiler durant les jours à venir ? Plus globalement d’ailleurs, combien d’écoliers sont concernés par les différentes offres de l’action éducative ? 

Nous avons en effet proposé cette année de présenter des concerts à la salle Franklin pour permetre au plus grand nombre d'assister à ces concerts. La salle nous permet en l'occurrence de recevoir toutes les classes de toutes les écoles havraises. Sur les trois semaines de concert qui débutent actuellement, ce sont un peu plus de 6700 enfants qui vont venir assister à nos concerts !

Plus globalement, ce sont un peu plus de 10 000 élèves qui ont franchi cette année les portes du conservatoire. La périodicité de ces rencontres diffère selon les niveaux scolaires ; les classes de CP sont par exemple venues une fois pour la séance de Découvertes Instrumentales, tandis que les élèves de l'orchestre Démos Le Havre Seine Métropole ou les élèves des Classes à Horaires Aménagés, ont, eux, bénéficié de séances tout au long de l'année ! 
 

Comment choisissez-vous les thèmes de ces spectacles ? Pouvez-vous nous parler des concerts à venir ? Comment les avez-vous imaginés et comment travaillez-vous avec les artistes qui participent à ces projets ? 

Les choix des thèmes des spectacles se fait de manière assez simple ! Soit ce sont des instruments sur lesquels on veut donner un petit coup de projecteur - c'est le cas du tuba cette année par exemple puisque c'est un instrument assez méconnu, qui n'a pas forcément une image très positive car lorsque l'on parle du tuba aux gens ils vont plutôt préférer s'imaginer jouer de la trompette -  soit l'on souhaite mettre en avant une esthétique - avec la pratique de la musique médiévale par exemple pour mettre en avant la collection Brassy que nous avons la chance d'avoir dans nos locaux !  En l'occurence ici, l'idée est bien de faire la promotion de ce type de musique, assez méconnue et puis parfois peu considérée alors qu'elle est à l'origine de la musique ! Nous avons aussi mis en avant cette année la musique africaine, associée à l'instrument polyphonique qu'est la harpe. 

Plus concrètement, une fois que les jalons de ces spectacles sont posés, je contacte les artistes qui peuvent défendre ces propositions, et l'on se projette pour construire un spectacle... et non pas un concert à proprement parler !  Pour certains enfants, il s'agit du premier concert auquel ils vont assister. Il ne s'agit donc pas de leur proposer 45 minutes de concert brut. L'idée est plutôt de penser une mise en scène, afin de faire en sorte que ce soit un spectacle qui permettra de leur donner quelques clefs, des informations sur les thèmes abordés.

Pour le Moyen-Age par exemple, nous allons évoquer les différentes classes sociales. Dans ce spectacle, ils rencontreront des paysans, des moines, des nobles : cela permet de rappeler les codes de la vie durant le Moyen-Age et ainsi de contextualiser. Ce sont des spectacles participatifs, cela signifie que nous faisons en sorte d'inclure les enfants dans notre mise en scène : il peut s'agir de percussions corporelles par exemple... Un spectacle rendu vivant est une spectacle qui reste plus facilement gravé dans la mémoire des enfants ! 

Trois spectacles seront effectivement donnés sur les trois semaines à venir. Nous débutons avec "Voyage au temps du Moyen-Age" : une marchande rentre d'Asie après de multiples voyages avec Marco Polo. Elle rapporte des instruments asiatiques et découvre à son retour que le monde a continué à évoluer sans elle. Elle va faire la rencontre de différentes personnes : des moines, des paysans, des nobles, qui vont lui parler d'un puy. A mesure du spectacle, la jeune marchande tentera de découvrir ce qu'est ce puy dont tout le monde lui parle... La semaine suivante,nous jouerons un spectacle intitulé "Quand l'Afrique rencontre la harpe" : une jeune fille joue de la harpe sur le port du Havre, lorsque débarque un jeune homme, venu d'Afrique. Lui aussi possède une harpe, venue de son continent, une kora. C'est la musique qui permettra à nos deux protagonistes d'échanger, de se rencontrer, et qui sait... de s'aimer !  Nous achèverons cette série avec le tuba qui sera mis à l'honneur avec le spectacle "Il était une fois le tuba" : au cœur de l'intrigue, un tuba et un euphonium, qui entrent en guerre, jusqu'au jour où ils finissent par comprendre qu'ils viennent en réalité de la même famille et ont chacun de belles possibilités de jeu !

Outre ces concerts pédagogiques, vous êtes sur tous les fronts en cette fin d’année puisque vous vous préparez actuellement - avec les élèves de l’Orchestre DEMOS Le Havre Seine Métropole - pour les concerts du 18 juin à la Philharmonie de Paris et du 25 juin au Carré des Docks au Havre. Ce sont des concerts que vous dirigerez, comment abordez-vous ces deux dates qui seront le point d’orgue d’une grande et belle aventure qui est sur le point de s’achever après trois ans ?

Mener ainsi un projet à son terme, c'est en fait beaucoup d'excitation ! Les enfants ont désormais trois années de pratique derrière eux, et les diriger, voir leurs sourires, est quelque chose d'extrêmement plaisant. Dans le même temps, je dois dire que c'est beaucoup de stress aussi, car ces concerts marquent l'aboutissement de leur engagement. A l'issue de ces deux dates, nous devrons dire au revoir aux musiciens qui cesseront l'aventure. Mais je me réjouis que trente enfants aient choisi de poursuivre l'apprentissage de la musique ! Diriger cet orchestre est une grosse responsabilité, et à l'issue du concert du 25 juin, il y aura forcément un vide qui s'installera, pour moi, mais aussi pour les référentes, les enseignants et pour tous les enfants de Démos pour qui cette grande aventure s'achève !  Il y aura sans doute des larmes !  De joie, mais aussi de tristesse, de se dire au revoir au terme des trois années si particulières ! 

 
En cette fin d’année scolaire vous êtes enfin bien occupée à finaliser les propositions à destination des écoles pré-élémentaires et élémentaires du Havre pour la rentrée prochaine. Vous élaborez ces programmes avec Géraldine de La Porte des Vaux, directrice adjointe et responsable des études, en lien avec les objectifs fixés par Patrick Bacot. Pouvez-vous nous faire part des résultats visés avec ces actions précisément ?

L'ensemble des projets se répartit sur les différents niveaux scolaires : ce sont d'abord les élèves des écoles élémentaires qui sont concernés, mais nous avons également une offre à destination des classes de grande section de maternelle.

Notre ambition est de pouvoir toujours apporter quelque chose aux enfants et faire en sorte que le contenu des ateliers puisse être réinvesti en classe par les professeur(e)s des écoles. Je suis persuadée que ces ateliers sont de petites graines que l'on sème, dans quelques années, de jolies plantes auront peut-être poussé !